6 • À l'approche de l'an 2000

Chapitre 12
Les tenues des figurants sont petit à petit refaites. Pour le vendredi saint, 10 avril 1998, les soldats romains sont à nouveau habillés de neuf du pied à la tête.
Le cortège se compose de 23 soldats romains, 16 filles de Sion, 6 porteurs d’instruments, 1 suisse, Jésus, Simon, le centurion, Véronique, Marie, Madeleine, St Jean, l’ange de l’agonie et des enfants de choeur, 2 larrons.
Les robes sont le plus possible ressemblantes à celles du temps de Jésus.

Le vendredi saint au matin, on peut vénérer l’Ecce Homo devant l’autel de St Joseph, tandis que le Saint Sacrement est à l’autel de la Ste Vierge. Les prêtres sont présents pour le sacrement de la réconciliation. Sur la place de l’église, on peut trouver des cartes postales, des livrets du chemin de croix, des cierges, des croix, des chapelets....
Une sonorisation de l’église et du chemin de croix permet au plus grand nombre de suivre la cérémonie à l’église et le chemin de croix. A 14h précises, les figurants font leur entrée dans l’église et la célébration commence : accueil, lecture de la Passion, homélie, vénération de la croix. Vers 15h, le chemin de croix au calvaire commence, tandis que dans l’église un chemin de croix est fait pour les personnes qui ne peuvent pas gravir la montagne du calvaire.
Devant la 1ère station, le Christ tombe, le centurion l’insulte, on lit, au micro, une lecture de la parole de Dieu, puis le Christ se relève après que le centurion l’ait menacé de son sabre. Les cantiques et les prières continuent pendant le parcours. A chaque station, le Christ tombe et Véronique essuie son visage selon la tradition. Au sommet du calvaire, le prêtre donne la bénédiction, le pèlerinage s’achève, sauf pour ceux qui veulent recevoir la communion au retour à l’église. L’affluence varie, selon les années, entre mille et deux mille personnes. Des articles de journaux se font l’écho de cette cérémonie.
Burzet est fier de son calvaire, bien qu’à notre époque, il n’y ait pas plus de chrétiens pratiquants qu’ailleurs.
« Les amis des traditions locales » créé en 1954 pour le maintien et le développement du chemin de croix vient de changer de nom pour s’appeler désormais « les amis du calvaire et de Saint Bénézet » pour prendre en compte l’avenir du pèlerinage à St Bénézet aussi.
Notre village a un avenir humain et spirituel à l’approche de l’an 2000 qui sera une année jubilaire « nous ne sommes pas trop de tous » pour participer à la nouvelle évangélisation : proposer la foi aujourd’hui dans une société sans véritables repères.
Depuis la mort du Père Marcel Gray en 1993, il n’y a plus de curé résidant sur la paroisse, c’est le Père Jean Claude Cros-Badon qui assure le service de Burzet et dans le cadre de l’ensemble inter paroissial.
À L’ECOUTE DES PRÊTRES DE LA PAROISSE
Chapitre 13 : LES FIGURANTS
J’ai cru qu’il était important pour vous régler et vous soutenir dans votre piété envers la Passion de Jésus Christ, de vous adresser ce Directoire animé du zèle des premiers chrétiens dont la grande dévotion était de visiter et d’honorer les lieux saints, que Notre Seigneur et Rédempteur avait arrosé de son précieux sang, vous avez, avec l’autorisation de Monseigneur votre évêque, dressé des oratoires qui représentent Notre Seigneur Jésus Christ dans les différents états de sa Passion. Afin de profiter de ce précieux trésor que vous possédez dans votre paroisse, mettez en pratique ce qui est contenu dans ce petit livre, vous y trouverez la manière de faire le voyage du mont calvaire ... Victor Pigyere, 1857
....Ce parcours est toujours actuel. Nous avons un corps : il est le premier instrument pour notre travail, il exprime nos joies, il porte les marques de nos peines, il participe à tout ce qui est noble en nous et ceux qui prient savent sa part, dans la prière.
Dans un parcours de chemin de croix, en particulier quand il est dans la campagne, la beauté de son cadre, la marche de bas en haut, la difficulté même de la marche, le silence de l’environnement, tout cela peut servir notre coeur et notre foi dans une démarche spirituelle. Il faut souligner l’importance du groupe pour cette démarche. Nous sommes d’un peuple de croyants et solidaire de toute l’humanité. Le groupe nous aide à sortir des limites de notre individualisme en même temps il nous apporte l’aide de nos frères. Jésus lui-même n’allait pas seul : il entraînait tous les hommes sur le chemin de la libération pascale. A Burzet nous disposons d’un parcours qui convient tout particulièrement. Son ancienneté, sa permanence indiquent que le choix fut heureux. La figuration traditionnelle du vendredi saint complète le rôle du parcours : tel est du moins son but et nous devons y être fidèles.
Marcel Gray, 1983
« ...Le chrétien n’a pas à rechercher pour elles-mêmes la souffrance et la douleur. Ce serait le signe d’une psychologie perturbée. Nous ne sommes pas des masochistes. Mais il est sûr que, comme tout homme, il les rencontrera sur son chemin. Et la fidélité à ce qu’il croit le conduira à toutes sortes de conflits et de fatigues. Il s’agira alors, non pas de fuir ou de subir, mais d’offrir, en union avec le Christ. » Jean Claude Cros-Badon, 1997
Chapitre 14

Le seul personnage de la passion de Burzet qui parle pendant le chemin de croix, c’est le centurion qui insulte Jésus à chaque station. C’est vers 1900, que la coutume s’est installée. Tout d’abord, la phrase était uniforme à chaque station. C’est ainsi que le centurion Auguste Lascombe disait à chaque station : « Lève-toi, scélérat, marche, monte au calvaire, et de ton sang tu arroseras la terre ».
Henri Court (centurion de 1935 à 1970) emploie pour la première station cette formule : « Jésus de Nazareth, au nom du peuple et du sénat romain, vivant emblème de nos aigles immortelles, je t’ordonne de charger cette croix, car Rome t’a condamné et tu seras crucifié », puis aux stations suivantes : « Filles de Sion, femmes stupides, cessez votre pitié, car Rome exécute les vauriens condamnés », « Simon de Cyrène, soutiens mieux cette croix car elle abat trop souvent le patient sous son poids » etc.
Gaston Hilaire, centurion de 1971 à 1989 emploiera les mêmes formules.
Jean Mounier, centurion depuis 1990, a ajouté quelques phrases moins lyriques que l’on trouve dans les Evangiles : « Fais nous le prophète, Messie dis-nous qui t’a frappé ! « si tu es le Fils de Dieu, et descends de la croix » ; « Tu as blasphémé en te disant Fils de Dieu». Et à la dernière station : « vraiment cet homme était le Fils de Dieu ». Après avoir exprimé toute la méchanceté humaine au cours de la procession, le centurion fait cet étonnant acte de foi, ce n’est pas fortuit.
Le Christ tombe à chaque station, soit 24 fois et chaque fois, Véronique, à genoux devant le Christ à terre, lui fait vénérer par un baiser la Sainte Face qui est sur le linge que porte Véronique. Ce geste nous vient du temps des pénitents où celui qui portait la croix représentait l’homme, qui à la suite du Christ, peine et tombe sur le chemin de croix de sa vie et reçoit le soutien du Christ qui vient à son secours par son amour et sa présence pour l’inviter à se convertir, à se relever et à continuer sa marche à sa suite.
Il y a, dans le chemin de croix de Burzet, deux traditions : la plus ancienne, celle des pénitents qui font un acte de pénitence, de prières ferventes, et l’autre tradition, née vers 1880, qui est de reconstituer la Passion de Jésus avec des vêtements ressemblants à ceux de l’époque de Jésus.
De nos jours, la deuxième tradition prend le pas sur la première, mais elle se veut aussi au service de la foi et de sa proposition aujourd’hui, dans un cadre pittoresque, nous parlant déjà de Dieu.
Les deux traditions ne sont pas identiques.
Dans la première tradition, la démarche de foi est indissociable du rôle.
Dans la deuxième tradition, il s’agit de figurants ou d’acteurs. La vigilance s’impose, me semble-t-il, aux responsables qui veulent garder à cette manifestation son caractère religieux.
« On ne vient pas voir, on vient faire le chemin de croix ». A force de venir voir, on peut aussi apprendre à faire.
Il arrive que la pluie gêne le déroulement de la procession, parfois même des giboulées, toutefois, à ma connaissance, il n’y a qu’en 1974 que la procession a dû rebrousser chemin à mi-parcours et en 1985, le chemin de croix costumé n’a pas pu avoir lieu, vu les grandes pluies qui s’abattirent ce jour-là sur Burzet.
Généralement, il fait beau et au sommet du calvaire, le spectacle est grandiose, ce qui faisait répondre au Père Cros-Badon à un journaliste de R3, là-haut au pied des trois croix du calvaire : « Bien sûr qu’il y a un côté théâtral, regardez autour de vous, mais là n’est pas le but, seulement le moyen de faire connaître visuellement, si vous voulez, deux ou trois pages de la Parole de Dieu concernant la Passion et rendre service à tous ceux qui sont venus »