1 • Burzet • histoire du chemin de croix
son chemin de croix depuis le treizième siècle
AVANT PROPOS
Le texte est emprunté à Jean LAURENT avec l'aimable autorisation de l'auteur [Chemin de croix de Burzet - imprimé en 2000 par Fombon, à Aubenas, Ardèche]
Burzet, chef lieu de canton, à 25 kilomètres au nord d’Aubenas, (Ardèche), 500 habitants, 540 m d’altitude est connu par Saint Bénézet le pâtre burzetin, constructeur du pont d’Avignon, son église du XVe siècle et son calvaire du XIIIe siècle.
Au début du siècle, il y avait encore 2 500 habitants. La population vivait de l’agriculture et de l’industrie du moulinage ; le bourg avait de nombreux commerces.
Après la guerre de 14-18 qui a fait une centaine de victimes sur Burzet, l’exode rural est passé par là. Aujourd’hui, la population est composée principalement de retraités, environ 200 résidences principales pour autant de résidences secondaires, quelques agriculteurs demeurent, des commerces, de l’artisanat, les moulinages ont disparu, ils sont devenus des micro-centrales fournissant du courant électrique à EDF.
Des efforts sont entrepris par la municipalité, les associations et des particuliers pour le développement du village par le tourisme, des structures sont mises en place ainsi que des services de proximité.
Au seuil du 3ème millénaire, l’homme moderne qui se cherche souvent aime venir près des trois croix qui dominent le village de 300 mètres et se laisser interroger par des images fortes qui touchent au plus intime de chacun.
I UNE HISTOIRE LES ORIGINES
Chapitre 1
Le plus ancien document qui fait mention de l’église de Burzet (donc d’une vie religieuse organisée) est la bulle du pape Alexandre III de l’année 1164. C’est aussi à cette époque que naissait au hameau du Villard, Bénézet Chautard qui deviendra Saint Bénézet. (voir « Saint Bénézet le pâtre Burzetin, fondateur du pont d’Avignon » paru en 1996).
Selon la tradition, le chemin de croix de Burzet remonte au XIIIe siècle. Il serait une fondation franciscaine. Une tradition veut que Saint François d’Assise soit venu à Burzet ?
Il est vrai que les Franciscains ou Frères Mineurs sont présents à Largentière et y fondent un couvent dès 1223 et à Aubenas à la fin du XIIIe siècle (d’après la revue du Vivarais, tome 1).
Selon les mêmes sources, des liens existent avec la paroisse de Burzet puisque en 1380 le noble Raymond de Burzet fait en faveur des Frères Mineurs d’Aubenas son testament.
M. Emile Mouraret, publiciste à Largentière, écrit en 1914 : Si l’on en croit un acte de notaire du 1er mai 1778, la procession du vendredi saint à Burzet a été créée dans les premières années du XIIIe siècle, mais cet acte n’a pas été retrouvé.
M. Mouraret cite un nommé Jean Rivière comme ayant fait le personnage du Christ en 1325, 1327, 1329, 1330.
Il faut dire aussi que l’église du XVe siècle est dédiée à Saint André, apôtre, qui mourut martyr sur une croix en X.
Des recherches demeurent nécessaires, il est vrai qu’à l’époque les processions étaient courantes et qu’il ne paraissait pas utile de tout écrire sur cette pratique.
Il semble tout de même que les plus anciennes processions avaient lieu dans les rues du village.

Le Docteur Francus dans son ouvrage « Voyage fantaisiste et sérieux à travers l’Ardèche et la Haute Loire », tome 1 cite longuement l’acte du 1er mai 1778 :
« La célébration du Vendredi saint à Burzet était marquée autrefois par un usage assez singulier, qui avait pour objet, dit le narrateur, de bien faire pleurer le peuple sur la Passion et l’introduire à bien déclarer ses péchés en confession.
A l’heure des Vêpres, le peuple venait en foule à l’église. Il se mettait à genoux, et le prieur, après avoir demandé à Dieu de toucher l’âme des obstinés, se levait et distribuait à ses paroissiens les instruments de la passion : à l’un, une lance, à l’autre, un marteau, à un troisième, une fourche. Le charpentier recevait le marteau, le maréchal ferrant les tenailles, le muletier, le fouet, la fille galante, la couronne d’épines, le soldat, la lance, l’ivrogne, l’éponge ou l’aiguière, etc…
Bien ou mal partagés, tous ces braves gens se mettaient en procession. On y voyait des soldats armés, un Caïphe, un Pilate et l’on prenait pour le rôle de Jésus un jeune homme qu’on voulait réellement punir. On le chargeait d’une croix pesante et on le conduisait ainsi tout nu jusqu’au sommet d’une montagne voisine, avec accompagnement de grands coups de corde et de bâtons. Une brave femme représentait Marie, et une fille sans pudeur qui faisait semblant de pleurer figurait Madeleine.
Arrivé sur le calvaire, la troupe se remettait à frapper le faux Jésus et, s’il pouvait lui échapper, il était fort heureux. On s’en allait en maudissant la victime. Puis d’autres pensées faisant place à la colère, on se mettait à gambader, à parier à qui sauterait le mieux, à qui descendrait le plus vite de la montagne, à qui arriverait le plus tôt à l’église.
Le jour de Pâques, le pauvre diable qui avait été si maltraité le Vendredi saint, venait dans le chœur de l’église en criant par trois fois de toutes ses forces : « Ressurreszci et ad huc vivus, alléluia, alléluia, alléluia ». Il tenait le cierge pascal pendant l’évangile. Le prieur lui donnait à dîner et le village oubliait ses méfaits.
Le document que je cite fait observer que ces flagellations publiques ne rendaient pas meilleur celui qui en était l’objet. C’est un nommé Jean Rivière qui fut le patient en 1325, 1327, 1329 et 1330. La dernière fois, il succomba aux coups ».
L’acte se termine ainsi : « c’est ainsi que pendant ces siècles d’ignorance et de superstition on croyait honorer la passion et la résurrection de Jésus Christ. Dans des siècles plus éclairés, la fin de la cérémonie a subsisté et subsiste encore, mais sans fustigation et sans gambades. On porte en procession les instruments de la passion avec beaucoup de recueillement et de dévotion, et cette cérémonie et fort touchante ».
Contexte
Au moment où le chemin de croix prenait naissance, la vie du village s’organisait autour du château et du prieuré.
Voir la monographie du Vicomte de Montravel dans « une paroisse en Vivarais, Burzet » parue en 1996.
Au XIIIème siècle et aux siècles suivants, la population vivait de la culture du seigle, des châtaignes, de l’élevage des chèvres, moutons et porcs. La chasse était surtout réservée aux gens du château. Saint Louis (Louis XI) régna sur la France (1226-1270). La papauté s’installa à Avignon en 1305.